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jeudi, 27 février 2014

« Les mairies sont les remparts contre l’austérité » : interview d’Aline Guitard

 

Les élections s’approchent et nous recevons aujourd’hui  dans le cadre de CLIC pour 2014 Mme Guitard, tête de liste Front de gauche aux municipales de 2014 à Lyon. Pour l’interroger il y avait Sébastien Gonzalves, Maxime Hansen et Étienne Aazzab du Lyon Bondy Blog, Sylvain Métafiot et Jean-Philippe Bonan de Forum de Lyon et Patrice Berger de Radio Pluriel.

 

Vous pouvez écouter l’intégralité de l’entretien ici

 

Mme Guitard vous êtes tête de liste Front de gauche aux municipales de 2014 à Lyon. Pouvez-vous nous présenter les différents groupes politiques qui composent cette liste ?

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Sur quelle base vous êtes vous rassemblé avec le Gram de Mme Perrin-Gilbert ?

On s’est rencontré sur des projets. Un des premiers points de convergence a été les questions autour de la métropole. C’est même une des raisons de la création du Gram : réfléchir autour de la métropole. Nous sommes en désaccord avec l’esprit porté par letexte de loi voté à l’Assemblé. Il nous semble qu’il y a un besoin de travailler à une autre conception de la métropole. En ayant suffisamment de conseillers communautaires on peut peser pour tourner la métropole vers une coopération entre les territoires et la démocratie plutôt que de supporter une espèce de monstre qui englobe une grande partie du département (sauf la partie rurale car les campagnes n’intéressent personne) et qui a pour but de déposséder les citoyens du pouvoir de décisions au profit de gens dont ont ne sait pas comment ils seront élus à partir de 2020.

Il y en a d’autres points d’accord entre le Gram et nous : la conception d’une ville avec des services publics de qualité, par exemple, mais je pense que nous en parlerons par la suite.

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mardi, 18 février 2014

L'oiseau de proie

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Nouvelle variation sur la solitude post-moderne, Her nous conte la romance entre Theodore Twombly (Joaquin Phoenix, tout en retenue) et son nouveau système d'exploitation, Samantha (Scarlett Johansson). Ou quand Simone d'Andrew Niccol rencontre Shame de Steve McQueen.

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mardi, 31 décembre 2013

Cimes cinéphiliques 2013

 

Conformément à l'ancienne tradition datant de l'année dernière voici donc un petit top 10 subjectif, suivi d'un flop tout aussi arbitraire et la découverte de quelques classiques (notamment grâce au Festival Lumière).

 

Au sommet cette année

 

1) Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese : implosion démentielle du self made man américain par la démesure de sa jouissance insatiable.

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2) La Grande Bellezza de Paolo Sorrentino : la ballade douce et amer d'un dandy mélancolique.

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3) Camille Claudel, 1915 de Bruno Dumont : l'épure du recueillement contre l’emprisonnement et la folie.

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mardi, 24 décembre 2013

The Immigrant : comment James Gray ressuscite Shakespeare sur grand écran

 

Article initialement paru sur RAGEMAG

 

Faisons le pari : si William Shakespeare était né au XXe siècle, il aurait peut-être passé plus de temps derrière une caméra que devant une feuille blanche. Ce n’est sans doute pas James Gray, dont le dernier film, The Immigrant, sort aujourd’hui, qui dira le contraire. Car, davantage que les adaptations, réussies ou non, des pièces du maître sur grand écran, c’est à travers le genre du film noir que le récit shakespearien et ses images obsédantes se trouvent transcendés.

 

À travers cinq films, James Gray, en renouant avec les codes quelques peu perdus des films noirs classiques – notamment par l’exploration systématique de la cellule familiale et par sa grande rigueur formelle –, est parvenu à leur insuffler une intensité dramatique peu commune. De fait, réalisateur au carrefour du cinéma grand public et du cinéma d’art et d’essai, il a su renouveler, plus que tout autre ces dernières années, l’art du récit shakespearien sur grand écran.

 

1er acte : l’épure des mots

 

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Au cinéma, un tel procédé se traduit en premier lieu par l’emploi de la voix-off. Mais cette technique peut parfois s’avérer pesante. Le propre du cinéma n’est-il pas de substituer à la narration textuelle celle des images ? Sans dire un mot, le visage de Michael Corleone, à la fin du Parrain II, de Francis Ford Coppola, exprime toute l’ampleur du drame qu’il a lui-même déclenché et qui le hantera pour le restant de ses jours. Chez James Gray, c’est une mise en scène d’une grande pudeur qui dévoile les sentiments les plus enfouis des personnages : par les silences, les regards, les gestes ou les respirations, leurs sentiments les plus enfouis éclosent à l’image, donnant lieu à des scènes d’une humanité vibrante. De fait, l’essence de l’écriture shakespearienne au cinéma tendrait davantage vers des films peu bavards, mais non moins intenses.

 

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En prenant du recul sur sa façon de filmer et en l’associant à une lenteur des déplacements, Gray construit certains plans comme des tableaux où s’expriment sans un mot les sentiments les plus violents. À l’image de la scène de deuil, dans The Yards (2000), où les principaux membres de la famille réunis dans le salon s’échangent seulement des regards et des mains tendues, dévoilant ainsi par des gestes impuissants toute leur rage et leur tristesse.

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mercredi, 20 novembre 2013

Politique cinématique

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JFK d'Oliver Stone

 

Après le questionnaire du Miroir interrogeant le cinéma lui-même, Ludovic Maubreuil nous propose un questionnaire portant sur le cinéma politique. L'occasion de triturer une nouvelle fois notre mémoire cinématographique.

 

1) Quel film représente le mieux à vos yeux l'idéal démocratique ?

Le Dictateur de Charlie Chaplin s'impose, notamment lors du discours final lorsque Chaplin tombe le masque du double personnage et s'adresse directement au spectateur.

 

 


2) Au cinéma, pour quel Roi avez-vous un faible ?

Louis II de Bavière, alias Helmut Berger dans le sublime Ludwig de Luchino Visconti.

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Ainsi, qu'une tendresse particulière pour le mélancolique prince Salina dans Le Guépard du même Visconti.

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Bon, certes... Le Roi Scorpion a plus de pectoraux...

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jeudi, 14 novembre 2013

Natacha Vas-Deyres : « Derrière la science-fiction française, il y a une réflexion politique »

 

Article initialement paru sur RAGEMAG

 

Cloud Atlas, Elysium, Pacific Rim, Oblivion, After Earth : la science-fiction a fait son grand retour dans les salles obscures entre la fin de l’année 2012 et la première moitié de 2013. La qualité des productions varie, mais l’engouement d’Hollywood est bien présent. En France ? En France, pas grand-chose. Et pourtant, science-fiction, utopie, contre-utopie ou dystopie ont une longue histoire de ce côté-là de l’Atlantique, cantonnée la plupart du temps, faute de moyens ou d’ambition, à la littérature. Natacha Vas-Deyres est professeur de littérature générale à l’université Bordeaux 3 et spécialiste de la littérature utopique et de la science-fiction. Pour comprendre ce pan fondamental de la culture, nous l’avons interrogée sur l’importance de la création française sur la scène science-fictive internationale et sur les différences intrinsèques entre les critiques formulées par les auteurs français et anglophones.

 

Le genre post-apocalyptique, sous-genre de la science-fiction, trouve ses racines dans la littérature française avec La Planète des Singes de Pierre Boule et Malevil de Robert Merle. Quelle est la place de la veine française dans l’essor de cette thématique devenue centrale dans la culture ?

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Dans La fin d’Illa, c’est vraiment l’explosion de ce qu’il appelle la « Pierre Zéro », une arme cataclysmique qui a détruit une civilisation très ancienne. Dans les années 1920, on la retrouve sur Terre et, malencontreusement, la bonne du scientifique qui la retrouve appuie sur un bouton sans savoir ce qu’est la Pierre Zéro et tout explose.

 

En 1937, vous avez aussi Quinzinzinzili de Régis Messac où ce sont des bombes à base de gaz hilarant. L’histoire se passe en 1934 : l’auteur anticipe sur la marche à la guerre qui va conduire à la Seconde Guerre mondiale et anticipe bien sûr sur ce qu’il s’est passé dans le Pacifique. Toute la population est détruite sauf un groupe d’enfants avec un adulte. Ce groupe va littéralement sombrer dans la barbarie : on est dans la régression totale. Le post-apocalyptique est donc bien né en France dans les années 1920.

 

Et c’est un constat mondial ou il est apparu ailleurs en même temps ou avant ?

C’est plus complexe aux États-Unis. En France, on a déjà un regard négatif sur la science, d’abord parce qu’on a subi la Première Guerre mondiale dans laquelle les armes chimiques ont joué un rôle prépondérant. On a déjà un regard méfiant sur la science. Aux États-Unis, il n’y a pas eu la guerre et on a une confiance absolue dans le progrès scientifique, technologique et dans le développement du nucléaire. Les Américains sont les premiers d’ailleurs qui ont créé l’arme nucléaire. Ils n’avaient pas cette méfiance-là et donc la science est très bien perçue dans la science-fiction américaine dans les années 1920. Il y avait une confiance, ce n’est pas du tout le même contexte.

 

D’ailleurs, quelles influences ont eu des auteurs utopiques français comme Cyrano, Mercier, Fourrier, etc., sur les utopies littéraires anglaises et américaines ?

Difficile de répondre ! On ne sait pas véritablement si les auteurs américains ont connu cette littérature. Il faut les distinguer des anglais d’ailleurs. Chez les Français, l’influence est manifeste – c’est une position critique, tout le monde ne la défend pas. Je pense qu’il y a une veine littéraire française qui court depuis un ferment utopique, depuis les auteurs que vous avez cités. Cette veine va se poursuivre tout au long du XIXe siècle et au début du XXe siècle. En Angleterre, celui qui va changer la donne, c’est Wells. Il va fonder l’anticipation à partir de l’utopie parce qu’outre-Manche, les auteurs sont beaucoup plus influencés par des Américains comme Poe et l’on est bien plus dans le gothique littéraire. Ne pas alors oublier Shelley et son Frankenstein : c’est une œuvre de science-fiction d’ambiance gothique ! C’est un fait scientifique avéré, le docteur Frankenstein qui va faire des expériences, c’est-à-dire ranimer une personne qui a été recousue à partir de cadavres. Et il va utiliser la force électrique pour donner la vie. On le considère souvent comme du fantastique, c’est totalement faux. C’est un fait rationnel.

 

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Isaac Asimov

 

Alors en quoi pourraient se distinguer les utopies françaises de celles des autres pays, les anglophones, mais aussi l’Italie ou l’Allemagne ?

En France, il faut bien distinguer ce qui appartient à la littérature utopique de ce qu’on appelait les « voyages extraordinaires », comme ceux de Jules Verne dans les années 1860. À la fin du XIXe et jusque dans les années 1920, il y avait aussi ce que l’on appelait le « merveilleux scientifique en France », on pense à Maurice Renard. Les modèles utopiques vont se dissoudre dans ces espèces de sous-genre. En France on ne parle pas de science-fiction : on n’en parlera qu’à partir des années 1950. Aux États-Unis, c’est Hugo Gernsback, qui a commencé ses premiers magazines comme Modern Electrics en 1919, qui, à partir de 1926, va fonder Amazing Stories en disant à ses auteurs d’écrire ce qu’il appelle de la « scientifiction ». Cela consistait en l’écriture d’histoires de science fiction à partir d’un fait scientifique, voilà le cahier des charges. Le terme ensuite va entrer dans une détermination générique avec d’autres revues et devenir de la science-fiction. En France, on va réutiliser ce terme pour dire « science-fiction française ».

 

Pour ce qui est de l’utopie, elle se dissout dans tous ces sous-genres : il n’y a plus alors d’utopie à proprement parler, pour une raison politique. On est à ce moment-là, dans les années 1920 en Europe, dans la réalisation du socialisme. Il faudra attendre la fin de la période stalinienne pour avoir les premières critiques qui montreront comment, in fine, l’utopie réelle tourne au cauchemar.

 

Quelles différences entre utopie politique, utopie programmatique, utopie littéraire, utopie régressive, etc. ? Une rapide typologie est-elle possible ?

La question concerne les domaines dans laquelle l’utopie va s’appliquer. Partons de la base : Utopia de Thomas More en 1515 est une utopie politique. Le modèle originel de l’utopie c’est l’utopie politique. On va réfléchir au meilleur système de gouvernement, c’est d’ailleurs le sous-titre d’Utopia. Nous sommes au XVIe siècle et More est quelqu’un de dérangeant, même si ce n’est pas à cause d’Utopia qu’on lui coupa la tête. On réfléchit donc à la meilleure forme de gouvernement possible et de là on va imaginer la meilleure société possible pour les individus. Ça c’est l’utopie programmatique : on va imaginer un programme social pour faire évoluer les individus.

 

L’utopie littéraire est sur un autre plan. Également créée par Thomas More même si certains la font remonter à la description de l’Atlantide dans La République de Platon. Mais ce n’est pas une utopie littéraire, contrairement et éventuellement au Banquet. Ce n’est pas le même genre que celle inventée par Thomas More. Il faut attendre une réflexion des temps moderne (XVIe siècle) pour réfléchir à ce qu’est l’utopie. C’est vraiment le marqueur civilisationnel de la modernité historique. L’utopie littéraire est donc un texte de récit. Cela dit, même littéraire, Utopia de More est un texte statique, il n’y a pas d’aventure, c’est descriptif. L’utopie littéraire se caractérise par un récit et une narration. Il faudra donc attendre H. G. Wells, et son Utopie moderne en 1905, pour avoir cette mise en marche de l’utopie statique vers un vrai récit littéraire au sens strict du terme. À partir des années 1890 l’utopie va donc complètement intégrer la science-fiction, la littérature d’anticipation, etc., et va devenir un vrai récit.

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vendredi, 08 novembre 2013

Lionel-Edouard Martin : « La poésie doit transformer la chose vue en musique »

 

 

« Il n'est d'écriture que dans un ressenti particulier de l'univers, où les mots appellent, au-delà des êtres et des choses, un monde épuré de substance, où les corps sont de gloire et tiède la pierre – abolies frondes et catapultes. »

Lionel-Édouard Martin, Brueghel en mes domaines



Vous êtes l'auteur d'une vingtaine de livres et malgré une reconnaissance critique indéniable vous demeurez quasiment inconnu du grand public. Comment expliquez-vous cela ?

Je crois qu'il y a plusieurs raisons à cela. La première serait de dire que je n'écris pas pour le grand public. L'autre raison est que je publie dans des maisons d'éditions qui, sans être confidentielles, sont moins distribuées que certaines autres maisons de plus grande importance. Sur la vingtaine de livres que j'ai écrits il doit y avoir pour moitié des romans, qui sont ce qu'ils sont. L'autre moitié on peut les appeler des poèmes s'il l'on veut. Moi j'appelle ça des proses poétiques courtes. La poésie actuelle en France est peu lue, méconnue, les maisons d'édition peinent à faire connaître les auteurs. Évidemment, on peut citer quelques poètes contemporains qui ont une petite notoriété auprès du grand public. À côté de ce qu'on peut appeler « les grands ancêtres », comme Yves Bonnefoy, les gens de ma génération sont un peu méconnus.

 

Cela est-il dû à la rigueur et la richesse, peu communes, de votre prose ?

lionel edouard martin,lecture,poésie,jazz,nourriture,matériel,musique,littérature,sylvain métafiot,vampire actifC'est toujours difficile pour un auteur de se prononcer par rapport à cela. J'aurais tendance à dire que je ne sais pas écrire autre chose que ce que j'écris. Je n'ai pas envie d'écrire autre chose que ce que j'écris. Cela ne pose pas, a priori, d'état d'âme. Cela en pose, en revanche, pour mes éditeurs quant aux retours sur investissements [rires]. Pour un auteur c'est tout de même un souci que certaines maisons d'édition acceptent de prendre le risque de publier ce qu'il écrit. Toute la question est là. J'ignore si c'est à cause de la difficulté de mon écriture qui tranche un peu par rapport à d'autres écritures contemporaines sans doute plus simples ou plus faciles à lire. Aujourd'hui on aime une écriture plus compacte. Mais ce n'est pas pour autant que tous les auteurs se conforment à cette espèce de moule que l'on veut imposer, c'est-à-dire sujet/verbe/complément et c'est tout. Il semblerait que cela soit plus facile à lire, qu'un certain vocabulaire pauvre doive s'imposer s'il l'on souhaite toucher un public plus large. Moi je ne sais pas faire cela. J'ai besoin d'avoir un vocabulaire précis. Le français est une langue riche autant faire avec. Certes, en employant une métaphore musicale on pourrait me demander : pourquoi ne pas jouer de plusieurs instruments ? Le flûtiste que je suis répondrait : il faut quasiment toute une vie pour maîtriser toutes les possibilités d'un instrument. Par exemple, si l'on veut passer au jazz il y a des sonorités improbables que l'on découvre par soi-même. Pour la langue française c'est la même chose. On peut s'en servir de façon simple mais on a un instrument d'une telle richesse qu'on pourrait l'exploiter et le découvrir de toutes autres façons. Je ne vois pas pourquoi un joueur de jazz devrait jouer des mélodies simples.

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mercredi, 16 octobre 2013

Huis clos, le cinéma sans issue de secours

 

Article initialement paru sur RAGEMAG

 

Foin des grands espaces fordiens, des voyages intersidéraux ou des fresques historiques. L'humanité crue se dévoile parfois dans une cellule de six mètres carrés, en présence d'autres compagnons d'infortune, sans échappatoire. S'adaptant aux différents genres, le huis clos en tant que dispositif narratif et scénique confronte impitoyablement l'homme avec ses congénères et, pire, avec lui-même. Un carburant inflammable de situations souvent explosives ingénieusement employé par HitchcockLumet, Friedkin ou Polanski. Craquons une allumette.

 

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Une adaptation de la pièce a bien été réalisée par Jacqueline Audry en 1954 mais ne respecte pas l'unité de lieu et ne présente pas un grand intérêt, contrairement aux films qui vont suivre. Si enfer il doit y avoir on songera davantage à la chambre d'hôtel poisseuse de Barton Fink (1991) des frères Coen ou à l'appartement de Carnage (2011) de Polanski sur lequel nous reviendrons.

 

Justice for All

 

Genre fondamental, d’où provient le terme, les films mettant en scène la justice sont idéalement propices aux huis clos fiévreux. Sans surprise, la plupart des grands films mettant en scène la justice en action sont américains. Les hommes de loi, qu’ils soient juges, avocats ou policiers, fascinent l’Amérique, et provoquent plutôt les railleries en France.

 

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Qui mieux que Sidney Lumet a su filmer les rouages de la justice américaine ? Parmi ses huis clos, on pourrait citer Le Crime de l’Orient-Express (1974) et Un Après-midi de chien (1975), mais celui qui nous intéressera ici est son premier chef-d’œuvre, Douze hommes en colère (1957), qui s’immisce dans l’étouffante salle de délibération d’un jury devant statuer sur le cas d’un jeune homme accusé de meurtre sur son père. Vont-ils le condamner à mort ? Tous sont persuadés de sa culpabilité. Tous sauf un, le juré n°8 (Henry Fonda), simple citoyen tenacement en prise au doute, l’empêchant d’envoyer le gamin à la mort. Semant ce doute au sein des jurés, passablement énervés de devoir revivre le procès à huis clos et pressés de rentrer chez eux, la tension palpable se transforme en suspense sur l’issue du verdict que donneront les jurés. Toute l’intelligence du film tient à cette volonté farouche, démocratique, d’opposer un doute raisonnable aux préjugés expéditifs quand la vie d’un homme est en jeu. Ici, la pièce n’est pas verrouillée physiquement mais mentalement : les jurés ne pourront sortir qu’une fois unanimement d’accord. C’est le degré de volonté à faire émerger la vérité qui leur permettra de se libérer de cette étuve.

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mardi, 24 septembre 2013

Leviathan, l'océan de ténèbres

 

 

31. Il fait bouillir le fond de la mer comme une chaudière, Il l'agite comme un vase rempli de parfums.

 

32. Il laisse après lui un sentier lumineux ; L'abîme prend la chevelure d'un vieillard.

 

33. Sur la terre nul n'est son maître ; Il a été créé pour ne rien craindre.

 

Job - 41


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Sylvain Métafiot

samedi, 14 septembre 2013

Nous autres, enfants de la totalité


Article initialement paru sur RAGEMAG


Si Thomas More a créé l’œuvre utopique archétypale avec Utopia, le Russe Evguéni Ivanovitch Zamiatine peut être considéré comme son pendant contre-utopique avec Nous autres. La première grande contre-utopie du Xxe siècle est un monument de science-fiction politique, l'incarnation d'une nouvelle et radicale dimension romanesque contre le mythe du progrès.


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Retour au livre. Nous sommes au XXXVIème siècle, l’État unique règne sur une société parfaite, celle de la « dernière révolution », une ville monde où ni le plaisir ni la misère n'existent. Au sommet se trouve le Bienfaiteur (numéro d’entre les numéros), sinistre anticipation du stalinisme et caustique analyse de ce que, déjà, en 1920 recèle le système bolchevique. Le grand Guide est ainsi réélu tous les ans à la même date à l’unanimité et impose l’Harmonie à tous ses membres. L’ironie contre-utopique est de mise : là où règnent l’inversion et le faux-semblant, le Bienfaiteur est celui qui élimine les opposants, de la même façon que le « Big Brother » d’Orwell incarne l’espionnage et la répression.

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